OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Parti Pirate fait chavirer Berlin http://owni.fr/2011/11/08/le-parti-pirate-allemand-veut-chavirer-la-politique/ http://owni.fr/2011/11/08/le-parti-pirate-allemand-veut-chavirer-la-politique/#comments Tue, 08 Nov 2011 12:29:36 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=86010

QG du Parti Pirate à Berlin, novembre 2011

Jouer les « trolls » le plus sérieusement du monde. Un mois et demi après avoir remporté quinze sièges au Parlement de Berlin, le Parti Pirate opte à court terme pour ce rôle, comme nous l’a expliqué Pavel Mayer [de], un des élus :

Comme parti d’opposition, vous pointez les failles, vous trollez le gouvernement, c’est votre boulot.

Le tout jeune parti, cinq ans d’existence en Allemagne, ne rejoindra donc pas une coalition. Une prise de position pragmatique, nous a argumenté Alex Morlang [de], un autre élu :

En Allemagne, des partis surgis de nulle part ont explosé, ils ont rejoint une coalition et ils ont perdu. Il est difficile et long d’apprendre comment le système marche, ce n’est pas une option, si nous rejoignons la coalition, nous serons réduits en pièce ou déchiquetés. Nous avons tant à faire, le premier trimestre sera consacré au budget, c’est un travail de spécialiste. La première étape sera d’apprendre à survivre ici, même en tant que parti d’opposition. Nous cherchons d’abord à travailler ensemble, au sein du groupe, ce que nous n’avons jamais fait.  Il faut que nous restions soudés, si l’un d’entre nous part, il n’y a plus de groupe.

Ouvrir la porte par principe

S’il a bien été question de laisser la porte ouverte à des négociations, début octobre, c’est par principe et sans illusions. Pavel clarifie ce point :

Nous voulions montrer au public que nous ne sommes pas des gens qui fuyons leurs responsabilités et seulement en s’opposant aux idées des autres. Vous ne pouvez pas concrétiser vos idées, ce qui est notre but. Les autres partis n’ont pas voulu nous parler, il n’y a donc pas encore eu de négociations.

Alex Morlang à la section locale de Prenzlauerberg, Berlin, novembre 2011

« Le SPD a le choix entre une coalition avec les Verts, qui a échoué pour des raisons assez complexes, et avec la CDU, précise Frédéric Happe, correspond à Berlin de l’AFP. Les Pirates ne pourraient entrer en jeu que dans deux “constellations” tout aussi irréalistes l’une que l’autre. D’une part Rot-Rot-Orange, avec le SPD et die Linke, car le PP a indiqué qu’ils auraient du mal à collaborer avec Die Linke, notamment en raison des liens ou une part de nostalgie de certains de ses membres envers la RDA et la Stasi, l’ancienne police politique de l’Allemagne de l’Est ; ou Schwarz-Grün-Orange (la CDU et les Verts). On imagine mal les Verts accepter de coopérer avec les Pirates qui ont gagné le gros de leurs presque 9% en rognant sur l’électorat contestataire écologiste. »

Toutefois, dans la jungle parlementaire, certains seront plus amicaux que d’autres : « Nous essayerons aussi de former des alliances, nous avons des choses en commun avec les Verts et die Linke », poursuit Alex Morlang. Des Verts pas si rancuniers que ça, à l’en croire : « il y a trente ans, les partis détestaient les Verts, ils ont fait tout ce qu’ils ont pu pour les bloquer. Les Verts ont donc pris une décision pour nous soutenir car ils ne veulent pas que cela se reproduise pour d’autres. »

De même, cela n’exclut pas des alliances au niveau des arrondissements : « Le PP a fait quatre propositions et ils ont parlé aux Verts, qui étaient ennuyés de voir ces jeunes débouler et vouloir changer les règles. Ils en ont parlé aussi avec le SPD et Die Linke, ils en ont même parlé à la petite fraction conservatrice de quatre personnes. À la fin tous ont voté pour nos propositions », détaille Alex.

Affiches de la dernière campagne berlinoise

Si coalition il doit y avoir à Berlin, ce sera plus tard, d’ici deux ans avance Pavel, après avoir ouvert le capot de la machine. En bon hacker -il est proche du Chaos Computer Club, célèbre club de hackers, ces adeptes de la bidouille technologique-, Pavel file la métaphore informatique :

La machine politique du Parlement a des boutons, des leviers, que vous pouvez contrôler, vous devez comprendre ce qui se passe si vous les actionnez. On modifie la machine quand on sait exactement comment elle fonctionne.

Pavel s’est déjà attelé à cette tâche, dès la session inaugurale, fin octobre. Il a annoncé que le règlement intérieur devait évoluer afin que le parlementaire en tant qu’individu ait plus de pouvoir, car actuellement, il favorise le groupe. « Cela fausse le principe de démocratie, avance-t-il. Un élu, qui représente 20.000 citoyens, est amené à faire le choix du groupe, au lieu du sien. » Une tentative d’« update », de « patch incrémental de l’OS » accueillie par de l’incompréhension : « la plupart des autres élus n’ont pas compris. Ils sont là depuis 10, 20 ans, ils ne questionnent plus le système. » Il va porter l’affaire devant la Cour constitutionnelle.

« Démocratie liquide »

Aujourd’hui tout frais, tout neuf, le propos exalté où perce parfois une sincère émotion, nos pirates courent le danger le risque de l’institutionnalisation, comme les Verts, broyés par le jeu des coalitions, divisés en deux fractions et embourgeoisés après trente ans dans le jeu politique. Alex se marre :

«Bien sûr que cela nous fait peur ! Comme certains anciens des Verts ont rejoint le PP, nous avons la possibilité de regarder leur histoire, nous sommes assez différents. Les Verts des débuts, comme les Nazis, voulaient protéger les arbres allemands, et de l’autre côté, il y avait des féministes et des pacifistes, qui discutaient de savoir s’il fallait imprimer, beaucoup de débats chronophages. Maintenant nous avons Internet, beaucoup de choses sont devenues possibles. Nous avons des pad, des wiki, nous pouvons travailler indépendamment du temps et de l’espace, l’esprit le plus brillant peut collaborer, cela change les choses de façon fondamentale. La prochaine étape, c’est la démocratie liquide. »

La démocratie liquide consiste somme toute à revenir aux fondamentaux de la démocratie, en permettant aux gens de participer directement au processus politique : proposer des initiatives, les soutenir, les amender. L’accent est mis sur l’horizontalité, la transparence et l’obligation d’être constructif : vains trolls, passez votre chemin. Sa mise en œuvre passe par un outil tout neuf développé par le PP allemand depuis 2009, LiquidFeedback [en]. Il est déjà aussi utilisé en Autriche, en Suisse et au Brésil. On attend encore la traduction française.

Pavel Mayer, élu du Parti Pirate à Berlin, novembre 2011

L’outil est là, opérationnel, mais les citoyens s’en empareront-ils ? « Au niveau fédéral, ⅓ du PP participe, argumente Alex. L’idée attire les gens, certains nous ont rejoint pour ça. En Bavière, le système n’est pas implémenté, les gens qui sont venus l’utiliser demandent “où est-il, où est-il ?” » Le propos se fait plus enflammé :

Ce n’est pas l’idée classique de révolution, “emparons-nous de l’usine”, nous n’avons pas pris l’encyclopédie, nous avons construit la nôtre à la place de ça, et ils ont construit des réseaux pour la consommation, on s’en fout, à la place, nous avons construit l’Internet. Ils ont voulu nous vendre des logiciels, on s’en fout, nous avons fait des logiciels libres, ils nous disent comment diriger un gouvernement, on s’en fout.

On s’en fout, sauf que la loi ne permet pas de considérer des serveurs informatiques comme un membre du PP et que la prise de décision passe toujours pas le bureau ou le convent.

Des sauveurs, pas des ennemis

Un tantinet optimiste, – voire prétentieux ? -, Pavel estime que cette envie de changement est au fond partagée par les politiques :

Les autres parties placent beaucoup d’espoir en nous. Ils pensent que nous avons un secret qu’ils doivent apprendre, ils ne nous attaquent pas vraiment encore, ils sont curieux, ils ne nous regardent pas comme les ennemis mais comme les sauveurs. Ils commencent à comprendre que la société change, vers la société de l’information. Ils ne la comprennent pas mais veulent l’embrasser, c’est le futur, ils ne peuvent l’éviter.

Pourtant, quand de jeunes Verts ont proposé d’implémenter LiquidFeedback, les anciens ont refusé. Démocratie pâteuse.

Texte : Sabine Blanc

Photos : Ophelia Noor [cc-by-nc-nd]

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Berlin prend le parti des pirates http://owni.fr/2011/09/20/berlin-parti-pirate/ http://owni.fr/2011/09/20/berlin-parti-pirate/#comments Tue, 20 Sep 2011 06:49:08 +0000 Louise Culot http://owni.fr/?p=80044 Le Parti Pirate plante son drapeau au Parlement de Berlin – Piraten Partei en allemand dans le texte. Le mouvement politique comptera 15 représentants parmi les 149 membres de la Chambre des députés de la ville. Dimanche, ces partisans de la liberté de l’information et de la neutralité d’Internet ont récolté 9% des voix aux élections régionales de la capitale allemande. C’est la première fois qu’un tel mouvement citoyen intègre un parlement de la fédération.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le jeune parti, né il y a cinq ans, défraie la chronique. Toute la presse allemande en parle, sans exception. Tantôt avec ironie, questionnant sa capacité à prendre part à des activités plénières. Tantôt avec admiration, évoquant un mouvement qui bouscule nombre d’idées reçues.

Sa victoire n’est pas si étonnante vue de Berlin. Son programme est fondé sur des idéaux de libertés, de partage des connaissances et de démocratie participative chers à une partie importante de l’électorat local. Pour une ville peuplée de jeunes créatifs cosmopolites, dont une kyrielle d’artistes digitaux, graphistes et vidéastes en tous genres, ces idées ont rencontré les attentes d’une génération.

Le Piraten Partei allemand est créé en 2006, dans la foulée de son homologue suédois, le Piratpartiet, premier du genre. Il est membre de la ligue internationale des Pirates Parties créée à la même période. Depuis 2006, des émanations de ce mouvement naissent à peu près partout en Europe – 33 jusqu’à maintenant, dont un en France.

En Suède, le Parti Pirate est devenu un parti de masse, troisième parti national en nombres d’affiliés. Les Scandinaves lui offrent une entrée à Bruxelles et à Strasbourg aux élections européennes de 2009. Au sein du Parlement de l’UE, il fait cause commune avec les Verts/Alliance libre européenne.

Dans ses exercices d’autopromotion, le Parti Pirate ne se réclame ni de gauche ni de droite, affirmant dépasser les clivages politiques traditionnels. Son programme : favoriser la libre circulation des connaissances en assurant l’indépendance des réseaux électroniques. Entre autres, ils souhaitent réformer les droits de la propriété intellectuelle et défendre à tout prix la protection de la vie privée. Last but not least, ils veulent en finir avec la corruption des élites, au pouvoir depuis trop longtemps selon eux.

Dans leur marketing politique, ils réclament donc plus de transparence et plus de démocratie directe. Comme le montre le programme du Piratenpartei pour ces élections tenues à Berlin. Mais aussi le droit à l’éducation, à l’information et aux savoirs.

Au nom de la dignité humaine, de l’intégration sociale et de la liberté d’entreprise, les Pirates Berlinois chérissent l’idée d’une allocation universelle. Leur programme pose le droit à l’éducation gratuite comme une condition sine qua non à l’accomplissement d’une société libre. L’accès aux savoirs devrait être garanti à tous, notamment en préservant l’indépendance des universités. Pour eux, les licences et les brevets, surtout dans le domaine de la santé, doivent impérativement être abolis.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Selon une enquête de l’institut Forschungsgruppe Wahlen, seul 1 électeur sur 10 aurait voté Pirate en raison des propositions du parti. Les autres auraient plutôt marqué un geste de protestation contre les autres mouvements.

Le profil de ses électeurs : “des gens jeunes et éduqués, tout ce dont les autres partis rêvent et n’ont pas“, écrit le Spiegel. Mais, poursuit l’hebdomadaire allemand, “ils n’ont sans doute pas la moindre idée d’en quoi consiste le travail parlementaire”.

Andreas Baum, le jeune trentenaire leader des Pirates, reconnaît que ses acolytes manquent d’expérience mais “ils sont disposés à apprendre très vite” et “une chose est sûre : ils feront parler d’eux”.

Le Parti Pirate envoie donc 14 hommes et une femme à la Chambre des députés. Heureusement qu’il n’a pas gagné plus de voix, car il ne disposait pas davantage de candidats sur sa liste. Parmi les 15, la moitié n’est pas âgée de plus de trente ans. Ils ont le look plutôt nerd. Ils travaillent comme développeurs web, ingénieur physicien, électronicien ou étudiant. La seule femme : une candidate au bac de 19 ans.

Pour caricaturer, c’est une bande d’antihéros qui a remporté les voix des jeunes Berlinois branchés. Et, avec lesquels, désormais, le maire SPD Klaus Wowereit devra composer.


Crédits photo CC FlickR gedankenstuecke

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